21
Mai
13

Marie et la marche blanche

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L’histoire est terrible.
Marie, 19 ans, enlevée par un pervers « connu de leurs services » est retrouvée assassinée dans une forêt de chez nous, un mardi de printemps  miraculeusement chaud et ensoleillé.

Depuis l’annonce de son enlèvement, chacun suit, pas à pas, sur les réseaux sociaux, dans les journaux et à chaque flash info la progression du drame. Nous sommes tous pris par la progression inquiétante des faits nouveaux, captifs d’un déroulement dont personne ne connait l’issue. Nous sommes comme contemporains du drame. L’information court, galope, s’emballe jusqu’à l’annonce finale. On l’a retrouvée, morte.

Nous avons tous vu sa photo, souriante, mutine, un peu troublante. Nous la connaissons, maintenant, nous sommes devenus ses voisins, ses amis…, des connaissances quoi !
Elle pourrait parfaitement être ma sœur, ma fille, ma copine ou ma collègue !
Et dire que ça s’est passé tout près de chez moi ! Je suis allé jouer au golf à Payerne, ma sœur vit à Villars, son père est un collègue, j’ai fait l’Ecole Hôtelière…
Cette proximité est terriblement angoissante : mais alors, ça peut arriver à ma sœur, ma fille, ma cousine, ma copine ? Personne ne reste indifférent.
Le désarroi, l’anxiété, le chagrin (comment les parents peuvent-ils survivre à une chose pareille ?), la compassion (l’attente, puis la confrontation avec le corps supplicié de leur fille..), le dégoût, la colère, la rage (mais que fait la justice ?) : autant d’émotions parfaitement naturelles qui secouent tout un chacun.

Faire quelque chose

C’est ce désarroi et ce sentiment d’impuissance qui poussent les gens à organiser ou à se joindre à une Marche Blanche. C’est une solution intéressante en ce qu’elle vise à faire quelque chose. Faire permet une sorte de mise à terre de l’angoisse. Faire redonne un sentiment de pouvoir et de puissance. De maîtrise. Faire requiert le corps. Les émotions deviennent mouvements, déplacements. Faire remet du temps et de l’espace dans la stupéfaction horrifiée. Et détache de la fascination paralysante.

Ensemble

Faire ensemble ajoute un élément important : le groupe, la communauté. Faire ensemble crée de la cohésion. Se mêler à un groupe soulage de l’angoisse lancinante, et du sentiment de précarité. La rumeur perd un peu de son pouvoir anonyme et devient un manifeste, une protestation organisée. D’une seule voix (encore plus efficace quand elle se déroule en silence), la Marche Blanche donne un sens à l’insensé : elle accuse !

Moi qui marche avec les autres et à côtés des autres, je deviens un acteur de la protestation, un signataire important : j’ai une place ! Elle est encore plus gratifiante quand je suis vu au milieu des autres grâce à l’œil ambigu des médias.

Depuis des siècles, l’homme a recours à ce type de manifestations. Quand la vie devient incompréhensible, quand elle échappe au normatif, quand elle se retourne contre les vivants ou quand le mal montre son visage, les hommes se réunissent, se regroupent pour accompagner les victimes de leur présence unanimes et marchent ensemble d’un endroit à un autre: cela s’appelait autrefois un enterrement…


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